Par Grégoire DJARMAILA Pour les nostalgiques d’un certain passé musical, la qualité de la musique camerounaise aujourd’hui laisse à désirer relativement au contenu et à la qualité des messages. Mais attention, il faudra cependant se garder de juger la production musicale avec cette vision passéiste. On pourra dire que chaque génération a la musique qu’elle mérite. La fulgurance actuelle des musiques urbaines est la résultante de la mondialisation qui met au choc les cultures d’ici et d’ailleurs. Ce type de musique a ses techniques langagières, ses codes et ses stars (même d’un jour). Si les (anciens) rythmes typiquement camerounais comme le makossa, le bikutsi, le manganbeu, bend-skin… restent toujours appréciés par une génération de Camerounais, les musiques urbaines ou encore les musiques métissées ont presque pris le pouvoir chez la plupart des jeunes. Fini, l’époque où la production et le succès d’un artiste étaient évalués à l’aune du nombre de ses albums. Fini aussi, l’ère où il fallait absolument passer par les instruments pour se lancer. De nos jours, même avec un single on peut soulever des foules. Les campagnes de promotion sont désormais menées sur les réseaux sociaux. Dans cette nouvelle cuvée d’artistes, il y en a de talentueux, et de prolifiques. Ils sont régulièrement dans les top 20 des hits (Trace) et sur les plateformes internationales de streaming. Mais au-delà de ces percées remarquables et d’un certain engouement des jeunes à adopter ces nouvelles sonorités, il y a l’envers du décor. Le problème des musiques urbaines se pose en termes de la sauvegarde de l’identité. En se hissant sur l’arène internationale, il faut garder un fond authentique qui doit vendre l’identité camerounaise comme ce qu’ont fait Manu Dibango, Sally Nyolo, Kareyce Fotso etc. L’autre danger et non des moindres, c’est le contenu et la qualité du message. Les musiques urbaines ont bousculé les normes (esthétiques, sociales et voire artistiques) avec une évolution thématique au niveau du « bas ventre » qui prône l’obscène et une désacralisation de la nudité et de l’intimité qui étaient jusque-là le socle des valeurs traditionnelles ou culturelles. On peut très vite regretter le temps glorieux des classiques de la chanson camerounaise où la langue locale était au centre de la création artistique et où le sexe, à défaut d’être un sujet abordé ou tabou, n’occupait qu’une place accessoire. Son évocation, le cas échéant, se faisait de manière très figurative, subtile et nuancée. Aujourd’hui, avec les grandes libertés acquises, l’expression musicale du thème sexuel n’a pas fini de surprendre. Depuis une quinzaine d’années, l’univers musical camerounais s’est enrichi donc de ces nouvelles sonorités. Cette musique « tendance » a propulsé de jeunes femmes et hommes au-devant de la discographie du fait d’un style moderne mais ancré dans le vaste répertoire culturel du Cameroun. Elle fait une part belle à l’indécence et à la décadence qui caractérisent le climat social de l’heure. Elle est donc loin l’époque où la musique populaire camerounaise rimait avec éthique et moralité.
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