Les enseignants sur le pied de guerre avec le gouvernement camerounais

La colère est toujours de mise dans les rangs des saigneurs de la craie. Depuis le 14 février 2022, plusieurs établissements scolaires sont en grève. Et pour cause le Syndicat national des instituteurs contractuels et des maîtres des parents (Snicomp) se plaint de la décrépitude des conditions de vie et de travail des enseignants. Lire la tribune du journaliste et sociologue camerounais Serge Aimé Bikoi : Depuis des années, des instituteurs souffrent, de manière criarde, de l’absence de payement des avancements de carrière, de la non- attribution des matricules à des instituteurs recrutés et manquent d’autres avantages dus à leur statut. Toute chose qui est une violation flagrante et grave des droits des enseignants par l’Etat du Cameroun. L’article 7 de la Charte internationale des droits de l’Homme stipule que les États signataires, à l’instar du Cameroun, « reconnaissent le droit à toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables qui assurent, notamment, la rémunération qu’il procure au minimum à tous les travailleurs ». Seulement, depuis deux semaines, à l’appel du Snicomp, plusieurs instituteurs du secteur public observent un mot d’ordre de grève pour décrier le martyr qu’ils subissent depuis des années. Dans la nomenclature des revendications, les instituteurs énoncent, entre autres, les problèmes de matricule. Or, selon l’article 6 du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, les États doivent faire en sorte que toute personne obtienne la possibilité de gagner sa vie par un travail librement choisi. Pourtant, selon Serge Teguel, responsable de la communication du Snicomp, invité le 20 février 2022 à l’émission Zappe presse sur l’antenne de la Rts(Radio tiemeni siantou), « même le payement des actes d’avancement de carrière, qui constitue, entre autres, les droits dus aux travailleurs, l’Etat camerounais joue toujours à la sourde oreille ». Il y a donc un déphasage entre les conventions et traités internationaux signés et ratifiés par l’État du Cameroun et l’application desdits textes dans la réalité. En pratique, tout est grippé. L’enseignant paie le lourd tribut tant il est en butte à des conditions de déshonorables, dégradantes et misérables au quotidien. Conséquence: dans certains établissements scolaires primaires publics, c’est l’école buissonnière. Les élèves sont abandonnés sans leçons et, par endroits, sans encadreur. A l’état actuel de l’évolution du débrayage, les enseignants offusqués, qui sont intervenus, à nouveau, ce dimanche, 27 février 2022, sur l’antenne de la chaîne des majors, ne comptent pas lever leur mot d’ordre de grève si les droits de leurs pairs ne sont pas rétablis. Le mouvement Ots (On a trop supporté), qui a lancé l’opération « Craie morte », ne lâche pas aussi prise et continue d’appeler l’ensemble des enseignants à ne pas se décourager jusqu’à ce que des solutions concrètes, idoines et efficaces soient prises pour élaguer les six revendications exprimées : L’application du statut particulier de l’enseignant, qui va résoudre bien de problèmes tant cela constitue le noeud gordien de l’identité professionnelle, ainsi que le suivi raisonnable de la carrière de tout enseignant. Le paiement de tous les arriérés de salaire (rappels, avancements, non-logement) et le complément des salaires de tous ceux qui sont dans l’attente. La création d’une plateforme de mutation et d’affectation ayant tous les paramètres et exigences nécessaires afin qu’un enseignant, remplissant toutes les conditions, puisse être affecté à une période donnée, ceci dans un délai très court. L’automatisation des avancements L’annulation du système d’avance de solde Le paiement immédiat des frais d’examen. Le collectif Ots reconduit, d’ailleurs, le mot d’ordre de grève, lequel s’étend du 28 février au 4 mars 2022. Au fur et à mesure que les années s’écoulent, la situation des enseignants ne fait que s’aggraver autant dans les villes que les aires rurales, où le contexte vital est, de plus en plus, catastrophique. Dans les coins reculés, nous informe Charles René Koung, président du Snicomp, les instituteurs sont affectés sans salaires et sans percevoir leurs avancements de carrière. Les institutrices sont obligées de se livrer à la prostitution parce qu’étant dépourvues de pécule. Le fait d’être entretenues, depuis leur affectation, par tel parent ou tel autre les expose à des vices en raison de la précarité existentielle subie. Du coup bonjour les dégâts dans des familles confrontées à la séparation, voire à la division entre les conjoints. Que dit le ministère de l’Education de base(Minedub) à ce sujet? Dans le département ministériel dirigé par Laurent Serge Etoundi Ngoa, un cadre relativise ces complaintes et doléances des enseignants. Dans la documentation fournie aux médias quelques jours après l’entame de la grève des pratiquants du noble métier, si l’on reconnaît, sans conteste, qu’il y a encore des efforts à faire dans l’optique de l’amélioration des conditions de vie et de travail des enseignants, le Minedub relève qu’à ce jour, 7.663 dossiers d’avancement de carrière ont été traités et 3.800 dossiers d’intégration. Quiconque est tenté de se demander : mais que représentent les chiffres 7.663 dossiers d’avancement de carrière et 3.800 dossiers d’intégration ? Sur combien de dossiers non- traités existants actuellement ? Quel est le ratio entre les dossiers non- traités et les dossiers traités ? S’agissant de l’attribution des matricules, le Minedub réagit et rejette la responsabilité au ministère de la Fonction publique et de la Réforme administrative(Minfopra). Ce qui est curieux et malencontreux dans le circuit du traitement des divers dossiers, c’est le fait de constater qu’après introduction d’un dossier déterminé au ministère des Finances (Minfi), des cadres exigent un pourcentage de 20, voire de 30% de votre dû comme si c’était leur rétribution. Au cas où tu n’y souscris pas, ton dossier est parqué et enfoui dans les tiroirs. Il en est de même pour les rappels de non-logement, les avancements de carrière et autres primes de rappel. Voilà la triste, précaire et misérable condition des enseignants au Cameroun ! L’État est en passe de tuer l’éducation au grand malheur de la progéniture scolaire. Serge Aimé Bikoi


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