Sur les traces des populations fuyant les affrontements Arabe-choa-Mousgoum et Boko Haram. Enquête dans les communes de Waza, Logone-Birni, Makary Mora, Mokolo et Fotokol. L’impact des actions du Pndp. Il garde ce regard inquisiteur, comme sur le qui-vive, en alerte, reconnaissable chez presque tous ceux qui tentent de surmonter un traumatisme. Sous un soleil assommant et une chaleur étouffante, H.L., réfugié Nigerian, installé à Alfade, dans la commune de Makary département du Logone et Chari, région de l’Extrême-Nord conte avec des mots simples une histoire de la barbarie humaine, celle des pires violences dont est capable l’être humain envers son semblable : « J’ai fui mon village au Nigéria à cause des difficultés de Boko Haram. Ils te dépossèdent du peu d’argent que tu as pour ta famille, ainsi que des vêtements et quand tu t’y opposes ils t’égorgent devant tes enfants et tes épouses. Ils brûlent les maisons. Lorsque tu as commis une erreur, ils rassemblent tout le village et t’égorgent en public», souffle H.L., dans une langue traduite par un bénévole, pour Le Jour. Il est 11h à Alfade ce jeudi 26 mai 2022.Son compatriote l’écoute attentivement et acquiesce, lui, semble avoir connu pire, son témoignage exprime les affres de la cruauté humaine : « Boko Haram a égorgé mon frère devant moi. Ils ramassaient notre bétail, les petits ruminants et les bœufs. Ils brûlaient nos maisons. Voilà pourquoi nous avons fui pour le Cameroun. Nous sommes bien accueillis ici, nous n’avons plus peur. » Horreurs Les fugitifs des horreurs de Boko Haram sont rejoints désormais par les rescapés des affrontements sanglants intercommunautaires entre Arabe-choa-Mousgoum, obligés eux aussi de prendre la fuite. Les tous derniers heurts, en décembre 2021, ont laissé des stigmates encore visibles dans la localité de Logone-Birni, département du Logone et Chari, région de l’Extrême-Nord. Eloi Wanso, aide soignant au centre médical d’arrondissement de Logone-Birni a encore la voix émue à l’évocation de la journée agitée du 5 décembre 2021. Il était de service : « Cette journée du 5 décembre, nous étions ici à l’hôpital. Soudain, nous avons entendu des coups de feu à quelques kilomètres du centre de santé. Des gens ont commencé à courir dans toutes les directions. On nous a informés que les affrontements entre Arabe-choa-Mousgoum étaient en cours au bord du fleuve Logone. Les Arabe-choa, encerclés, sont arrivés par l’arrière de l’hôpital, avant de surgir dans la cour. Ils étaient pourchassés par les Mousgoums. Dans l’enceinte de l’hôpital, le conflit a continué avec des flèches. Nous étions dépassés. Nous avons dus nous cacher. La confusion était générale. On a appelé les forces de l’ordre. Le calme est revenu. Nous avons retenu ici les blessés pour les soins. Le conflit s’est déporté par la suite dans les villages, ont nous a ramené quatre corps ici. Ces affrontements ont duré environ une semaine », déplore l’aide soignant. Le conflit Arabe-choa-Mousgoum s’est donc déroulé jusque dans la cour du centre médical d’arrondissement de Logone-Birni avant de s’étendre à la ville de Kousseri, où des commerces ont été incendiés. Les populations déplacées par ce conflit ont pour certaines franchi le fleuve Logone dans une quête désespérée de trouver refuge au Tchad. D’autres, des déplacés internes, ont trouvé refuge dans les communes voisines. Afflux La région de l’Extrême-Nord en général et le Logone et Chari en particulier vit ainsi sous la pression de populations parties de leurs terres pour trouver un refuge, un déplacement qui n’est pas sans incidences sur l’offre en eau, déjà faible, l’offre en capacités d’accueil dans les centres de santé, et aussi l’offre en capacité d’accueil dans les établissements scolaires. Pour preuve, la commune de Waza, selon le maire, Ibrahim Mohammed, a une population de 40 000 habitants, elle a vu sa population passer du simple au double, 70 000 habitants avec l’afflux des déplacés des conflits intercommunautaires Arabe-choa-Mousgoum du Logone-Birni et les déplacés des attaques de Boko Haram. Toujours selon des données fournies par le maire Ibrahim Mohammed, la commune de Waza compte 88 villages, dont 14 sont occupés par les déplacés du Logone Birni et de Boko Haram. Afflux massif aussi dans le village Sagme, commune de Fotokol, à la lisière du Lac Tchad qui a connu une arrivée de déplacés et de réfugiés. Selon le maire de Fotokol, Ramat Moussa, ils sont près de 1500 sur une population de 11000 habitants environ. Les données de l’arrondissement de Fotokol, selon une enquête de l’Onu habitat recensent 72 000 habitants dans l’arrondissement pour une population de déplacés et réfugiés d’environ 30 000 personnes. A la question cruciale des déplacés des attaques de Boko Haram s’est donc greffé un flux de populations fuyant, elle aussi, les conflits intercommunautaires Arabe-choa-Mousgoum. La problématique de l’accueil, l’installation et la prise en charge de ces dizaines de milliers de personnes en vadrouille, extrêmement nécessiteuses est un défi sécuritaire, social, économique et même culturel prégnant. A travers un certain nombre de microprojets de proximité destinés à l’appui des communes hôtes de ces populations déplacées, le Programme national de développement participatif (Pndp) a apporté un modèle de réponse à cette demande humanitaire pressante avec l’appui de la Banque mondiale à travers les financements IDA 18. Une enveloppe de 4,2 milliards a été mobilisée, totalement engagés pour la région de l’Extrême-Nord, dans l’optique de la mise en œuvre de 232 projets répartis dans les secteurs comme l’eau et l’assainissement, la santé, l’éducation et l’électrification par les plaques solaires, selon le coordonnateur régional, Roger Eyenga. La spécificité de ces financements est qu’il sont dédiés à la problématique des réfugiés. Six communes (Waza, Fotokol, Makary, Mora, Logone-Birni et Mokolo) ont été retenues sur la base des critères retenus par le bailleur de fonds.
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