De source bien introduite, les ministres des finances et de l’Economie doivent obtenir l’accord du tout puissant Ferdinand Ngoh Ngoh, pour les dépenses supérieures à 150 000 euros. Lire ici, l’intégralité de l’article du journal français Afrique Intelligence : Ce sont deux lignes budgétaires à l’origine de fortes tensions entre les proches du président Paul Biya. La première, qui porte le numéro « 65 », est intitulée sobrement « dépenses communes » et concerne le ministère des finances de Louis-Paul Motaze. Quant à la seconde, la « 94 », titrée « intervention et investissements », elle est relative au ministère de l’économie géré depuis 2018 par Alamine Ousmane Mey. Fin décembre 2021, ces deux poids lourds du gouvernement ont reçu un courrier du tout puissant secrétaire général de la présidence de la République (SGPR), Ferdinand Ngoh Ngoh, leur enjoignant de requérir désormais « le très haut accord » du président de la République pour engager des dépenses de plus de 100 millions de francs CFA (152 000 euros). Il leur est aussi demandé de produire dorénavant un rapport d’exécution trimestriel. A la discrétion des ministres La mise sous tutelle n’est pas anecdotique, tant ces deux lignes budgétaires sont stratégiques. Selon une correspondance interne du ministère des finances datant de 2018, le chapitre 94 sert par exemple à régler des « dépenses urgentes de certaines structures de souveraineté (DSP, intendance du palais de l’Unité, DGSN, état-major particulier du président de la République, etc.) » ou à octroyer des « aides et secours exceptionnels à certaines associations et à certains bénéficiaires ». Il s’agit en clair de deux caisses dans lesquelles le pouvoir puise à sa discrétion pour gérer tous types d’imprévus et entretenir des fonctionnaires, le secteur privé, la société civile et les partis politiques. Pour l’exercice 2022, les chapitres budgétaires 65 et 94 sont dotés d’une enveloppe globale de 495,8 milliards de francs CFA (755 millions d’euros). Ces nouvelles directives de Ngoh Ngoh ont été accueillies avec des regards suspicieux dans les couloirs des ministères. Le seuil des 100 millions de francs, particulièrement bas, a, en effet, interrogé. À l’économie, le cabinet d’Alamine Ousmane Mey s’est plié aux directives, non sans conséquence. Le journal des projets du ministère, publié en début de chaque année, est sorti avec un mois de retard, à partir du 2 février. Le temps pris par la présidence de la République pour valider les dépenses. Au ministère des finances en revanche, consigne a été donnée d’ignorer ces instructions du SGPR. Dans le cabinet de Louis-Paul Motaze, on met en avant le fait qu’elles alourdissent le processus d’exécution de la dépense sur ces chapitres dont l’objectif est justement de parer au plus pressé. Offensive politique contre Motaze Dans ses correspondances, Ferdinand Ngoh Ngoh ne justifie pas les raisons de cette mise sous tutelle, mais c’est bien le ministre des finances, Louis-Paul Motaze, qui est visé. L’inimitié entre le SGPR, proche de Chantal Biya et qui détient le pouvoir de signature de Paul Biya, et le second, neveu de Paul Biya, est de notoriété publique. Les observateurs leur prêtent des ambitions dans la course à la succession de l’après Biya. Ainsi le Contrôle supérieur de l’Etat (Consupe), une structure rattachée au secrétariat général de la présidence de la République et donc à Ngoh Ngoh, a ouvert une enquête concernant des subventions engagées par le ministère de l’économie au début de l’année 2018, sur la ligne 94. Or, à cette époque, Motaze est encore détenteur du portefeuille de l’économie. Il ne sera envoyé aux finances que quelques mois plus tard, lors du remaniement effectué le 2 mars 2018. La somme concernée par l’enquête s’élève à 39 milliards de francs CFA (59,4 millions d’euros). Sauf que la procédure d’exécution des dépenses a été émaillée d’irrégularités et les justificatifs peinent à être fournis. Jean- Pierre Amougou Belinga Pour expliquer ce manque de transparence, Louis-Paul Motaze, interpellé par le Parlement, a avancé l’argument de la « défense nationale ». Les députés lui demandaient, fin novembre 2021, de se justifier concernant le versement d’une subvention au magnat des médias Jean- Pierre Amougou Belinga, propriétaire de Vision4-Telesud, en janvier 2018. Il avait bénéficié de 2,6 milliards de francs CFA (4 millions d’euros) puisés dans la fameuse ligne 94. Le propriétaire du journal L’Anecdote a même un temps été frappé d’interdiction de sortie du territoire dans le cadre de l’enquête du Consupe. L’impossible enquête Pour le moment, Motaze parvient à repousser l’offensive, et l’enquête de la Consupe piétine. Elle est notamment entravée par la proximité du directeur de la programmation des investissements publics (DPIP), Jean Sylvain Mvondo, proche de Motaze, et qui gère la ligne 94 au quotidien. Mvondo vient de s’emparer de l’antenne locale du parti présidentiel, le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC), à Sangmelima, chef-lieu du département de naissance de Paul Biya, le Dja-et-Lobo. Celui que se fait surnommer le « fonctionnaire milliardaire » vient d’ailleurs de prendre en charge, à titre personnel, les frais d’inscription des élèves du département pour l’année scolaire 2021-2022. Mvondo bénéficie également de la protection de la ministre du contrôle supérieur de l’Etat, Mbah Acha Rose Fomundam, dont il est très proche. Les inspecteurs d’Etat assignés au contrôle ont même découvert que le nom de leur patronne figurait dans la liste des bénéficiaires des largesses de cette manne « ligne 94 », en 2018 au moins.
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