Il y a quelques jours, des brouilles diplomatiques étaient intervenues entre le Cameroun et le Canada à propos des négociations entre Yaoundé et les séparatistes ambazoniens sous l’égide du Canada. Jeune Afrique revient dans un article avec de nouveaux détails concernant cette affaire et fait des révélations.
« Le président cède ainsi aux pressions américaines et françaises. Et accepte, dans le même temps, de mandater le Canada. Le but de la feuille de route élaborée ce même mois est alors de parvenir à un cessez-le-feu en décembre 2022, afin de permettre au chef de l’État d’annoncer la bonne nouvelle lors de son discours de vœux du 31.Cette mission intervient après l’échec de deux tentatives de négociations. La première s’est déroulée dans le cadre d’une discussion à laquelle ont participé Sisiku Ayuk Tabe, leader d’une branche séparatiste, et Maxime Léopold Eko Eko, alors patron de la Direction générale de la recherche extérieure (DGRE). À l’issue de ces pourparlers, le président de la « République d’Ambazonie » a publié un communiqué, que le gouvernement a immédiatement rejeté.La deuxième tentative a été dirigée par les Suisses, sous l’égide de Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence camerounaise, qui a reçu instruction (orale) de négocier. Cette médiation a permis de franchir une première étape : faire en sorte que les différents groupes sécessionnistes soient représentés par un négociateur unique. », précise Jeune Afrique.
L’initiative de Paul Biya, en septembre 2022, enchante donc Joseph Dion Ngute, qui n’a jamais apprécié l’idée d’une facilitation suisse menée par son rival Ferdinand Ngoh Ngoh. Il reproche en effet à ce dernier d’avoir torpillé le Grand dialogue national, organisé en 2019. En outre, le Premier ministre apprécie Richard Bale, lequel n’est, en revanche, pas le bienvenu au palais d’Etoudi, où il n’a jamais été reçu pendant toute la durée de sa mission de Haut-Commissaire du Canada au Cameroun (de novembre 2019 à novembre 2022).Les Canadiens acceptent donc le rôle qui leur est confié, en dépit du fait que leur pays n’a pas une grande expérience dans ce domaine. Ils y voient surtout l’occasion de redorer leur blason, terni par la stratégie de repli qui les avait conduits à fermer de nombreuses ambassades sur le continent. Ils sollicitent l’expertise de l’ONG Centre pour le Dialogue humanitaire (HD), qu’ils financent depuis 2019 à hauteur de 50% de son budget. HD, qui travaillait jusque-là avec les Suisses, change donc de partenaire.
« Deuxième semaine de décembre 2022. Les négociations s’ouvrent à Toronto. Les factions les plus radicales de la sécession anglophone sont partie prenantes, comme l’Ambazonia Governing Council, en la personne de Lucas Ayaba Cho. L’État camerounais a envoyé des émissaires, mais aucun membre du gouvernement. Il veut pouvoir nier toute participation à ce dialogue en cas de fuite dans la presse. Les parties signent deux documents. Le premier entérine leur entrée en négociation et évoque un cessez-le-feu. Le second, un protocole de communication signé à la demande des envoyés de Yaoundé, prévoit que le Canada annoncera l’existence d’un processus de paix, que les sécessionnistes le confirmeront, et que le président Biya dévoilera, dans son discours de fin d’année, son heureux dénouement.Les négociations sont ardues. Quand les négociateurs s’accordent sur certains points, le pouvoir camerounais se braque et reproche à ses émissaires d’avoir fait trop de concessions. Par exemple, Etoudi récuse l’usage du terme « Ambazonie » et repousse l’idée de libérer toutes les personnes emprisonnées dans le cadre de cette crise. On n’est pas loin de l’impasse.Les négociations reprennent cependant, par navette. Sauf que la date butoir du 23 décembre est dépassée et que, le 31, Paul Biya ne fait pas mention du dialogue. Le Canada et les Anglophones sont consternés, mais ils ne renoncent pas et tout le monde s’entend sur un nouveau protocole de communication. Il est désormais convenu que le Canada fera son annonce le 20 janvier 2023, suivi de la partie anglophone et, enfin, du gouvernement camerounais », poursuit Jeune Afrique.